Madame Peys

Madame Peys

Madame Peys

écrit par Dianne Sissoko

Aug 25, 2023

La rencontre magique

(La scène se passe sur un trottoir, proche d'un arrêt de bus) 

- « Qu’est ce qu’elle est brillante ta fille, la mienne ne fout rien à l’école, j’ai bien peur qu’elle ne finisse à faire le trottoir ! »

J’entendis ces mots venant d’une conversation entre les mamans du quartier.
L’arrêt de bus, au moment de la sortie des classes, était l’endroit parfait pour écouter les ragots, les colportages mais surtout les plaintes ou les vantardises des parents du quartier. 
Pourquoi n'avais-je pas mis mes écouteurs avant de prendre le bus ? 
Ces mots me sont restés à l’esprit durant tout le trajet pour me rendre au lycée. 
Je ne veux pas finir sur le trottoir moi ! 
Ma mère se vantait souvent auprès de ses copines de mes excellentes notes, de mon livret scolaire… Mais si un jour j’arrêtais d’être brillante, dirait-elle que je finirai dans la rue ? 
Surtout qu'en toute franchise, je détestais l’école ! 

La phobie de l’école

Chaque matin, j’avais la boule au ventre. Je détestais le fonctionnement, la méthodologie d’apprentissage, la manière dont les professeurs me regardaient lorsque ils ne savaient pas répondre à mes questions… Alors je n’en posais plus.
Et pour comprendre les leçons, j’avais besoin de réponses ! De sens ! 
Il m’étais impossible d’appliquer et de comprendre sans en saisir la signification et l'utilité de ce qui nous était enseigné.
Comment faisaient les autres élèves ? 
Je me sentais comme une extraterrestre.
D’ailleurs c’est ainsi que l’on me décrivait : « Diana, celle qui vient d’une autre planète »

La débrouillardise 

Peu importe la façon dont on me percevait, au moins j’avais trouvé une manière de me débrouiller, j’établissais mes propres stratégies d’apprentissage, j’écrivais mes propres leçons, je décortiquais chaque cours.
Ironiquement, j’étais celle qui expliquait les cours aux autres élèves avant les examens et étrangement, ils trouvaient cela plus simple lorsque ça venait de moi.
Mais pour moi ça ne l'était pas, c’était même une torture ! 
L’élève brillante vivait un drame à l’intérieur de son âme et finirait sûrement par craquer et tout lâcher un jour.

La solitude

« Et les amis ? » me demandait ma petite sœur lorsque je lui racontais ce que je traversais.
Ha non ! Je n’en avais pas.
Cela n'était pas lié à mon introversion car je savais être aussi extravertie mais plutôt parce que je me sentais incomprise. 
Moi, j’avais des rêves plein la tête, des idées créatives, de l’ambition, et lorsque je faisais face à un esprit limitant ou moqueur, je le rayait de ma liste de fréquentations. 
Tout le monde pouvait venir me parler, mais je ne fréquentais personne. 
C’était moi et ma solitude. 
Et je m’y retrouvais parfaitement.

La fille incomprise 

Je songeais à arrêter l’école après la troisième, je commençais à développer une phobie pour la salle de classe. 
Qui aurait pris au sérieux mon mal être ? 
Personne.
Quand j’essayais de l’exprimer devant la CPE, je ressentais bien qu’elle me prenait pour l’une de ces élèves perfectionnistes, jamais satisfaite des bons résultats obtenus, qui en demandait toujours plus.
Mes camarades allaient me voir comme une pleurnicharde capricieuse insatisfaite de sa place de première de la classe.
Et mes parents, j’allais leur faire peur.
Ils auraient fait des cauchemars de moi, en train de faire le trottoir, qui sait ? 
Alors je la fermais. 
J’étais coincé entre l’image que l’on avait de moi et ce que je ressentais intérieurement, ce que j’étais réellement. 

L’Ange

Un matin d’hiver, un ange est apparu dans la salle de classe, une nouvelle professeure.
Elle se nommait Madame Peys.
Elle avait du caractère et était très charismatique, la seule qui arrivait à imposer le respect et le calme sans agressivité. 
Même les plus turbulents se taisaient et travaillaient naturellement dans la salle de classe de Madame Peys ! 
Avait-elle un super pouvoir ? 
Je me le demande encore aujourd’hui.
Et je pense que oui mais pas comme dans les dessins animés ou des bandes dessinées, de manière cachée. 

L’enseignement d’une professeure 

Je pense que les cieux ont appelé Madame Peys pour m’empêcher de dévier. 
Elle me comprenait et je me sentais comprise, une relation intense et fusionnelle se créa entre elle et moi.
L’espoir revenait à petit feu dans mon esprit.
Elle devenait ma motivation.
Un jour elle me dit, avec des yeux brillants et pleins d’amour : 
«  Diana, au fond de toi tu sais où aller, beaucoup te diront quoi faire ou ne pas faire, mais à l’intérieur de toi tu sauras où aller, entoure toi de bonnes personnes pour toi, il en existe ! 
Tu ne dois pas t’arrêter car tu vas devoir créer le changement ! » 

Souvent je revois son visage avec son sourire et ses grands yeux qui me dévisagent avec un air malicieux.
Je compris bien plus tard que l’enseignement d’une professeure avait impacté ma vie de manière positive et durable.


Je compris que l’enseignement d’une professeure avait changé les choses pour moi et que c'était à mon tour de changer les choses.